Document sans titre SITE D'INFORMATION SUR ARLON, SA REGION ET SES HABITANTS par Jacques Michaëlis.

BASTIEN Maurice, Prosper, Émile


"Le vendredi 31 décembre, vers le milieu de la journée, la mort a eu raison des dernières forces de Monsieur le Procureur du Roi Maurice Bastien. Tous nous avons été les témoins bouleversés de la lutte douloureuse, exceptionnellement courageuse, qu'il a menée contre le mal qui le minait. C'est jusqu'à l'extrême limite de ses forces qu'il a continué à se rendre chaque jour, samedi compris, dans le bureau dépourvu de la moindre trace de luxe qu'il occupait au premier étage de ce palais depuis près de vingt-six années. C'est en effet en 1957 qu'il avait accédé aux fonctions de Procureur du Roi après avoir été pendant un an substitut de l'auditeur militaire en campagne et pendant près de douze ans substitut du Procureur du Roi en ce chef-lieu de sa province qu'il aimait tant.
"Il s'identifia littéralement aux fonctions de représentant de la loi qu'il exerça pendant plus de trente-huit années. Nul ne fut plus que lui différent de cette caricature d'un ministère public implacable et outrancier que l'on rencontre d'ailleurs davantage dans les livres que dans la vie. Ferme, il l'était certes, mais avec des nuances, un sens de la mesure, une maîtrise de lui-même, qui forçaient l'admiration. Son intelligence solide et pénétrante, sa grande sensibilité, la connaissance qu'il avait des ressources de la langue française, sa science juridique étendue et sans cesse mise à jour, son assiduité au travail, toutes ces qualités firent de lui un serviteur de la justice d'une valeur rare. Ayant fait partie du Parquet d'Arlon de 1961 à 1972, j'ai pu bénéficier de ses conseils éclairés. De nous tous, il était le plus expérimenté. Et il professait que, dans la vie judiciaire, l'expérience est chose irremplaçable.

"C'est sans aucun doute dans son action auprès du Tribunal de la Jeunesse que ses qualités eurent l'occasion de se déployer avec le plus de bonheur. A cette juridiction, il donna le meilleur de lui-même. Lui qui fut toujours respectueux de la personnalité d'autrui, il le fut particulièrement quand il s'agissait de l'enfant et du jeune.
"Ce don de lui-même à des tâches multiples et absorbantes n'allait pas sans une tension souvent épuisante. De cela, ni les inévitables blessures que la vie n'épargne à personne, il ne se plaignait jamais. Sa pudeur et sa modestie égalaient son courage. Un humour bien personnel était sa magnifique défense contre sa sensibilité."

(Hommage à Monsieur Bastien prononcé par Monsieur le vice-président Jean Mergeai à l'audience du lundi 3 janvier 1983).